Intrigue I : MusicFest. [J.LENNON]

Messages : 16 Date d'inscription : 07/08/2010 Crédit : Kenvin Pinardy.

Samplers

Yellow Submarine

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ORDRE : les membres inscrits répondent dans l'ordre qu'ils souhaitent. L'agent secret peut intervenir et autant de fois qu'il le désire.

Elle lui avait demandé, supplié, usé de tous les stratagèmes, bref, Haylay avait fait tout son possible pour que Braden l’accompagne au festival. Réponse de l’intéressé : « Je ne peux pas, je travaille. » Enervé, Hayley lui avait alors raccroché au nez. Non mais ce n’est pas vrai ça, pour une fois que c’est elle qui décide de sortir de son appartement pour voir du monde, on lui tourne le dos. « Braden Knighton, ma vengeance sera terrible. » siffla-t-elle entre ses dents alors que Tobey, son Jack Russell la regardait avec des yeux de merlans frits. Remontée, elle décida malgré tout d’y aller, elle attrapa les deux billets qui traînait sur sa table basse, miracle d’ailleurs que son chien n’en ai pas fait des confettis pendant qu’elle était au téléphone, et sortit de son appartement, bien décidée à trouver quelqu’un pour l’accompagner.

Après avoir marché de longue minute dans les rues, elle se rendit à l’évidence, elle n’avait personne d’autres pour l’accompagner. A moins que… Non, non, elle secoua la tête négativement, elle ne pouvait pas lui demander, pas à LUI, au fond, bien qu’ils se soient croisés des centaines de fois, elle ne le connaissait pas vraiment, enfin, elle avait évidemment était bien plus attentive au moindre geste qu’il ait fait ou à la moindre parole qu’il ait prononcé. Elle doutait très sérieusement que ce soit réciproque. Néanmoins, elle n’avait rien à perdre, s’il refusait, elle irait de toute façon toute seule. Elle se dirigea donc vers la garçonnière version Knighton, un étrange mal de ventre venu soudainement de nulle part lui tortillait à présent l’estomac. Arrivé devant la porte de l’appartement, son cœur battait si fort qu’elle n’avait qu’une envie, fuir en courant. Elle ne sut trop comment, mais elle trouva finalement le courage de frapper à la porte. Les secondes semblaient des heures, elle espérait même qu’il ne soit pas chez lui. La porte s’ouvrit finalement, il était là, devant elle. « J’ai un billet de trop. » articula-t-elle avec difficulté en montrant le bout de papier à Jeemie.

A sa plus grande surprise, il accepta. Le trajet se fit néanmoins sans un bruit jusqu’à ce que le son de la musique ne parvienne à leurs oreilles. Hayley acheta une cigarette, qui évidemment, n’en était pas, histoire de se détendre. En effet, la présence de Jeemie avait pour effet de la rendre extrêmement tendue. Après qu’elle ait tiré quelques coups, elle commença enfin à se détendre et, à son plus grand étonnement, elle attrapa Jeemie par le bras pour l’entraîner au milieu de la foule en follie.

Se rendre à ce festival tant attendu n’était pas son idée. A dire vrai quand on connaissait un minimum le tempérament de Jeemie, on savait pertinemment que ce dernier cherchait continuellement à fuir les endroits noirs de monde ; la foule avait tendance à déclencher chez lui des crises d’angoisse parfois impressionnantes. Durant toute son enfance et adolescence son frère s’était toujours trouvé derrière lui, la ventoline en main pour mieux prévenir le danger, il était chargé de sa sécurité et avait toujours fait preuve d’une maturité incroyable – étonnant quand on connaissait le personnage – en situation de crise, gérant parfaitement le sentiment de panique générale comme le ferait un adulte responsable. Par la suite un second ange gardien, répondant au joli prénom de Constance, s’était ajouté à sa liste de protecteurs personnels. Il n’avait jamais eu à lui demander de l’aide, c’était tout naturellement qu’elle lui apportait son soutien quand sa présence devenait nécessaire. Du moins… Du temps où ils formaient encore un « nous » uni. Aujourd’hui il se retrouvait seul avec lui-même, comme laissé à l’abandon au bord d’une route déserte, il devait s’en sortir par ses propres moyens sans devoir être assisté par une tierce personne. A ses yeux il s’agissait comme d’un défi particulier qu’il se devait de surmonter. S’il ne dominait pas quelques unes de ses craintes, jamais il ne pourrait aller de l’avant et rester éternellement bloqué dans ces circonstances handicapantes ne l’enchantait guère. Après cette soirée agitée, il saurait enfin si oui ou non il était capable de tirer un trait définitif sur certaines personnes.

C’est pourquoi il avait gentiment accepté la généreuse invitation de Hayley, même s’il trouvait cela étrange que la meilleure amie de son frère ait pensé à lui pour se rendre à un tel événement. En temps normal, les gens préféraient très certainement partager des concerts avec des amis ou du moins des personnes étant proches d’eux. La jeune brunette n’était pas du genre très expansive en sa présence, cela ne le dérangeait pas outre mesure, peut-être était-ce l’occasion d’apprendre à se connaître ; après toutes ces années à s’observer mutuellement du coin de l’œil sans jamais trop oser se rapprocher ou engager une réelle discussion constructive. Braden avait l’art et la manière de mal se comporter avec ses amis. Sans doute avait-elle commis une légère erreur en ne s’y prenant pas longtemps à l’avance afin que chacun puisse prendre ses dispositions et se préparer, mais le plus âgé des Knighton possédait entre ses mains une lourde tâche ; celle d’être son meilleur ami. Parfois le rôle lui échappait, tout comme celui d’aîné.

Lorsqu’ils arrivèrent – seulement à deux – sur les lieux, Jeemie prit deux minutes pour observer l’endroit et le casting du public présent sur place ; on pouvait clairement dire qu’il y avait de tout. Pour le moment, les choses s’annonçaient plutôt bien. Il mit tout de même un certain temps à prendre ses marques et à se faire à la musique beaucoup trop forte à son goût. D’ailleurs, pendant sa rêverie passagère, il en perdit de vue la jeune Finley qui s’était naturellement empressée d’aller faire le plein de substance illicite, destinée – dans de telles occasions – à aider certains à davantage « vivre » la musique et à détendre d’autres. Une fois la cigarette terminée et l’esprit d’Hayley plus léger, celle-ci l’agrippa par le bras et l’entraîna en plein cœur de la fourmilière, à l’emplacement même où il était obligé de bouger à moins de finir englouti par la foule dense et affamée. Le point positif qu’il trouvait à ce pseudo rendez-vous – amical certes – c’était qu’il était inutile de chercher quoi dire ou quels sujets aborder car peu importe ce qu’ils pouvaient dire, les chances de s’entendre étaient minimes. Alors qu’une mélodie plus lente jouée au piano débutait sur scène et que les spectateurs se calmaient progressivement, Jeemie plaça instinctivement son bras autour de la frêle taille de la jeune femme et la resserra doucement contre lui. Il lui adressa un sourire sincère avant de détourner le regard vers le groupe qui jouait présentement une reprise réussie de Jealous Guy de John Lennon. D’ailleurs, à l’écoute de certaines paroles, sa main se referma un peu plus fort sur le bout de tissu qu’elle portait.

Ils avaient été nombreux à lui dire que c’était une mauvaise idée, à tenter de la dissuader de se rendre là-bas, à la menacer même de couper les ponts s’ils la croisaient ce jour-là. Elle avait balayé ces recommandations d’un revers de la main, elle n’avait plus besoin de l’hypocrisie de ses amis qui, vraisemblablement, accordaient plus d’importance à sa vie sentimentale qu’à son état d’esprit. Car, non, en dépit des apparences, de ce masque souriant derrière lequel elle se dissimulait, C.G. n’allait pas mieux, elle n’était toujours pas remise de sa séparation d’avec Jeemie. Néanmoins, elle était parvenue au stade qui lui permettait de prendre du recul et de cesser de fuir tous les lieux publics qu’ils avaient eu pour habitude de fréquenter sous prétexte qu’elle pourrait tomber sur lui. Elle était une grande personne, lui aussi ; il avait d’ailleurs démontré à plusieurs reprises qu’il était passé à autre chose en se pavanant avec une nouvelle fille aux bras par jour – ou presque. Si le cadet des Knighton pouvait se permettre de l’humilier de la sorte – sans qu’elle ne puisse exprimer la moindre plainte, tel étant le fardeau à porter lorsqu’on était la personne qui larguait – alors, de son côté, elle pouvait sans conteste ne pas rater l’événement le plus important de tout Vancouver. Depuis qu’elle était en âge de s’y rendre et d’apprécier, la jeune femme n’avait jamais raté une édition du MusicFest. En outre, étant donné le monde qui y était tous les ans présent, il y avait une chance sur mille qu’elle tombe sur lui – si tant est qu’il y soit.

Enfonçant un chapeau de paille sur ses cheveux lâchement nattés, Constance admira sa silhouette avec ce dernier accessoire ; elle avait fait dans le simple et le confortable, histoire d’être dans les meilleures conditions pour passer de longues heures debout, à remuer dans tous les sens en fonction des groupes qui s’enchaînaient à relativement folle allure. Elle retoucha une dernière fois sa tenue et termina juste à temps pour répondre aux coups frappés à la porte. Cette année, elle ne se rendrait pas au MusicFest avec sa bande habituelle, non, cette année, elle avait « emprunté » des amis de sa sœur. Dans un premier temps il avait été prévu qu’elle y aille avec Alice, qui avait pris pitié de son aînée et l’avait invitée, sauf que cette dernière se retrouvait ce jour-là clouée au lit avec quarante de fièvre. C.G. avait fait la sourde oreille aux complaintes de sa cadette qui avait longuement répété qu’elle préférait que sa sœurette adorée reste à son chevet. Et même si elle était consciente que cela n’était pas très réglo de lui piquer ses connaissances, il était désormais trop tard pour tout annuler. Du moins, c’est ce qu’elle aimait penser pour ne pas trop avoir le mauvais rôle. Constance ouvrit la porte d’entrée sur une bouteille de vodka déjà bien entamée qu’on força dans ses mains ; la jeune femme essaya de décliner, prétextant l’heure encore trop tôt, mais les menaces de ne pas partir avant qu’elle ait bu une gorgée eurent raison d’elle.

Cette arrivée en fanfare donna le ton du reste du voyage. Les amis d’Alice étaient de gros fêtards qui n’y allaient pas de main morte sur l’alcool et – elle s’en rendit compte rapidement – sur d’autres substances illicites. Ce fut donc avec les joues rosies par la vodka et l’esprit légèrement embrumé qu’elle avança dans la foule qui se pressait, se tenant fermement au bras de Don – ou bien était-ce Dan ? –, un grand échalas blond qui dominait tout le monde en tirant régulièrement sur son joint. Alors qu’elle se hissait sur la pointe des pieds pour tenter de discerner le chanteur, désormais installé au piano. Elle redescendit bien vite, son cœur battant la chamade, lorsque son regard croisa une silhouette familière. Deux, pour être exact. Son compagnon sembla ressentir son malaise puisqu’il se baissa sur elle, si proche que son haleine alcoolisée lui fit tourner la tête, afin de venir aux nouvelles. « Ce n’est rien, » souffla-t-elle en faisant un pas en arrière. « Juste de vieilles connaissances… » Elle tenta de s’extirper de la foule mais un mouvement de la part du chanteur eut pour effet de faire bouger toute la masse vers l’avant. Ses pieds ne touchant bientôt plus le sol, C.G. se retrouva malgré elle collée contre le dos de celui qu’elle avait juré ne pas vouloir voir aujourd’hui. Seul infime réconfort dans son malheur, « Don » était toujours auprès d’elle, un bras protecteur autour de ses épaules.

Alexandre n'était pas du genre à sortir dans les festivals de musique bien qu'il soit lui même amateur de certains groupes de rock il n'allait que très rarement dans des concerts. Il en avait rarement le temps avec son activité professionnelle et puis ces événements étaient généralement encadrés par la police et malgré l'attention qu'il portait à être discret, Alexandre tendait à ne pas aller dans les endroits où il aurait le plus de chance de tomber sur les forces de police. Cependant ce soir il n'avait rien à faire, mais vraiment rien à faire. Il était entre deux jobs, attendant que les choses se calme. D'ordinaire il allait passer la nuit chez Eros, décompressant et prenant un peu de plaisir au passage mais ce soir il ne se sentait pas d'humeur. Depuis quelques temps Alex ne pouvait s'empécher de songer qu'Eros avait qulqu'un d'autre dans sa vie. Ca n'aurait pas du le déranger, après tout ils ne s'étaient pas juré fidélité et n'avait pas évoqué l'exclusivité. Cependant, et sans qu'il comprenne pourquoi il avait cette sensation bizarre au fond de son estomac lorsqu'il y pensait. C'est pourquoi il avait décidé de se changer les idées ce soir et, alors qu'il marchait dans les rues de Vancouver il tomba nez à nez avec une des affiches pour le Musicfest. Pendant quelques minutes il pesa le pour et le contre avant de se laisser tenter. Après tout ce genre d'évènement attirait pas mal de jeunes hommes et femmes fringuants et plutôt joli(e)s. Il nota l'adresse et une vingtaine de minutes plus tard arriva sur le site du concert. Il y avait déjà pas mal de monde et le faussaire nota avec un sourire l'odeur "étrange" qui régnait dans les lieux. En l'espace de quelques minutes il fut abordé par plusieurs revendeurs et si ses années de consommation étaient derrière lui il savait que cela ne lui ferait pas de mal. Il s'acheta donc un joint pour quelques dollars et alors qu'il se dirigeait vers le chapiteau d'où résonnait une reprise des Beatles il alluma sa cigarette et en tira quelques taffes. Il sentait la substance faire son chemin dans son corps, le détendant au fur et à mesure et lui faisant oublier ses préoccupations actuelles. Il se fraya un chemin dans la foule, se cherchant un ou une future partenaire pour la soirée. Il repéra au loin une jolie jeune femme brune mais elle semblait déjà accompagnée. Avec un soupir il scanna la foule autour de lui, et au moment où il avait jeté son dévolu sur un jeune homme d'une vingtaine d'années et alors qu'il s'apprétait à se diriger vers lui un mouvement de foule le dévia de sa trajectoire, le faisant avancer vers l'avant et soudainement il se souvint pourquoi il n'allait plus à ce genre d'événement...

Elle se fraya tant bien que mal un chemin, sa main solidement agrippé à celle de Jeemie et ne s’arrête que lorsqu’elle jugea l’endroit apte à profiter pleinement de la musique et de l’ambiance en général. La musique se ralentit alors brusquement, elle soupira dans un premier temps, non pas qu’elle n’aimait pas les chansons plus douces, bien au contraire mais le contexte ne lui permettait pas d’en profiter de la même façon qu’à son habitude. Tout d’abord, elle se retrouvait avec l’homme de ses rêves, bien qu’il n’en sache rien et au fond, c’était bien mieux ainsi, une musique plus entraînante lui permettrait plus facilement de se mettre dans l’ambiance et ainsi de se détendre un petit peu. De toute évidence, sa petite « cigarette » ne l’aidait pas. Mais pourquoi avait-il un tel pouvoir sur elle ? Combien de mots avaient-ils échangés au cours de ses six derniers mois ? Deux cents cinquante-quatre pour être exact. Non mais quelle genre de filles compte ce genre de chose ? Elle, de toute évidence.

Et puis son monde bascula, alors qu’elle était en train de s’attarder sur les détails futiles autour d’elle pour ne pas penser à lui si proche, elle sentit deux mains lui enlacée la taille. Elle fut si surprise sur le choc qu’elle s’arrêta de respirer pendant quelques secondes avant de se rentre compte que ce geste pourrait paraître suspect. La musique n’avait plus d’importance, son cœur allait s’arracher de sa poitrine, son thorax se soulevait de façon irrégulière alors qu’elle tentait par tous les moyens de cacher son trouble. Jeemie ne lui facilitait vraiment pas la tâche, elle le sentait si proche qu’elle tentait même de copier sa respiration sur la sienne. Elle ne cherchait même pas à comprendre pourquoi il agissait soudainement ainsi, son esprit était tellement déconnecté de la réalité que le fait de réfléchir sur ses intentions, ou non d’ailleurs, lui était impossible.

Un mouvement de foule la ramena soudain au moment présent. Elle avait d’instinct attrapé la main de Jeemie histoire de ne pas se faire emporter par le reste des festivaliers. Lorsqu’elle s’en rendit compte, elle ne la lâcha pourtant pas, mais un autre mouvement, dans leur dos cette fois la fit se retourner brusquement. Lorsqu’elle croisa le regard de celle qu’elle appelait affectueusement (hum) Chewbacca qu’elle se sentit de trop, mal à l’aise.

Depuis trois semaines maintenant Jeemie se réveillait tous les matins avec la même angoisse lui parcourant douloureusement l’échine et une constante boule au ventre. Il connaissait parfaitement la raison de tels ‘symptômes’ mais préférait tous les ignorer quitte à en subir plus tard les conséquences. Aujourd’hui encore il payait le prix fort ; à dire vrai plus le temps passait moins les choses se tassaient. Chaque saut hors du lit était plus pénible que celui de la veille, et cela promettait de ne pas aller en s’arrangeant. Il avait clairement conscience de ne fournir aucun réel effort pour aller mieux ou du moins essayer de passer à autre chose. Sa rupture avec la belle Constance occupait chacune de ses pensées, même lorsqu’il se trouvait en présence de jeunes femmes avec qui il s’apprêtait à franchir certaines limites charnelles. Sa situation empestait le malsain à des kilomètres, il le savait pertinemment mais ne tentait aucunement de rectifier le tir ; ni pour le respect qu’il devait à son prochain et encore moins pour sa propre conscience affectée. Il était lamentablement piégé – enfin, ELLE l’avait lamentablement piégé – entre quatre murs qui offraient une seule et unique issue : la peine. Lorsqu’il retrouvait la force nécessaire pour ouvrir cette porte pourtant verrouillée, ce qu’il découvrait pour ainsi dire tout le temps n’était guère joli à voir. La fine brèche laissait entrevoir un monde fait uniquement d’obscurité, de solitude et de chagrin. Néanmoins quand ses yeux affolés cherchaient vainement une manière efficace de dévier ces multiples pièges, ces derniers se dirigeaient irrémédiablement vers une lueur projetée à des milliards de mètres de lui, comme faisant partie d’un monde lointain et intouchable. Cependant il s’agissait là de la prochaine étape à savourer dont il pouvait avoir un avant-goût dans le but de le motiver un minimum. Comme quoi, il ne se trouvait pas dans un cul-de-sac, contrairement à ce qu’il pouvait penser. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ; le dicton disait donc vrai. Pour avoir la chance et l’honneur de vivre des jours meilleurs, il devait se battre contre l’adversité. Seulement l’adversité, c’était lui.

Jusqu’à présent ses prétendus amis n’avaient fait que le traîner de bars en bars, de soirées en soirées, de beuveries en beuveries. Bref uniquement dans des endroits – parfois de débauche – dans lesquels il leur était stratégique de s’y rendre eux. En rien leur motivation n’était en rapport avec le moral de Jeemie, seul l’amusement primait sur tout le reste. Hélas il réalisait seulement maintenant que ses proches avaient très certainement joué un grand rôle dans sa manière très personnelle d’évoluer dans son mal-être. Au lieu de simplement l’écouter, le conseiller ou encore le sortir dans des endroits où il n’était ni question de boire un coup ni de s’envoyer en l’air, ceux-ci l’avaient rapidement entraîné dans une spirale infernale dont la sincérité du soutien restait encore à prouver. Par conséquent, quand la jeune Finley avait démontré un semblant d’intérêt pour sa personne – autre que dans un cadre joyeusement arrosé – le jeune homme s’était senti, pour la toute première fois depuis une éternité, apprécié pour sa compagnie probablement plaisante. Et puis qui diable était-il pour cracher sur une telle occasion – honnête car inconsciente – de se vider la tête et l’esprit ?

La soirée commençait doucement mais sûrement. Jeemie appréciait agréablement l’instant présent sans jamais se risquer à des pensées qui pourraient malheureusement tout gâcher. La foule se fit plus dense et oppressante, comme si l’excitation mêlée à l’alcool rendait les gens plus énervés. Sans comprendre comment ni pourquoi, sa main se retrouva scellée à celle de Hayley ; ce fut d’ailleurs dans un éclat de rire franc qu’il se déplaça vers l’avant au rythme du bon vouloir de l’armada furieuse. Bien évidemment la collision – évitée depuis le début – fut inévitable. Mais à sa grande surprise, il ne fut en rien fautif quant au choc qui avait présentement eu lieu entre lui et une tierce personne de toute évidence située derrière lui. « Doucement derr… » Commença-t-il alors qu’il se tournait vers celle qui avait manqué de lui faire perdre l’équilibre un peu plus tôt. Dès l’instant où il mit un nom sur le visage de la responsable de la bousculade le son de sa voix s’éteignit presqu’aussitôt, ses lèvres toujours à moitié ouvertes. Il ne prit pas la peine de poursuivre sa phrase et se contenta d’instaurer entre eux la distance maximale que la fosse pouvait lui proposer. Sa main, devenue moite, resserra davantage celle de la brunette qui tout comme lui ne trouvait rien à redire à la situation. Son regard noisette s’attarda un court instant sur le bras qui entourait les épaules de celle qu’il avait grand-peine à regarder dans les yeux à cet instant précis puis dévia précipitamment de sa trajectoire initiale pour finir vers la dépouille d’une bouteille de bière au sol.

Constance n’avait pas vu Jeemie depuis plus d’une semaine, ne lui avait pas adressé la parole depuis trois, et il aurait été mentir que de dire qu’elle n’avait pas rêvé à une entrevue durant laquelle ils auraient pu mettre la situation à plat. Sauf qu’elle n’avait jamais imaginé que cela aurait lieu dans un espace aussi ouvert et aussi bondé. Et dans son esprit, il n’y avait pas eu de bras autour de ses épaules et de main dans celle de son ex. Des détails, certes, mais qui ne faisaient que briser davantage le cœur de C.G. Elle sentit son estomac se retourner, provoquant une nausée qu’elle mit sur le compte de l’alcool mais qui ne s’était manifesté que lorsque son regard avait croisé les mains entrelacées de ceux qui avaient faits partie de son cercle d’amis mais dont le statut actuel lui échappait. Jeemie n’était vraisemblablement plus son ami, cela était un fait qu’elle avait compris d’elle-même en dépit du mal que cette nouvelle lui procurait. Mais Hayley, qu’était-elle à ses yeux ? Pas grand-chose ; elle ne la portait pas dans son cœur mais ne la méprisait pas pour autant, elle ne lui avait jamais conféré beaucoup de considération et pourtant, ce jour-là, elle accordait presque plus d’importance à sa présence qu’à celle de Jeemie. Parce que si elle avait été plus ou moins habituée à le voir aux bras de différentes filles, ces dernières avaient pour elles de répondre à des critères identiques – bien foutues et relativement inconnues – desquels Hayley était à l’opposée. D’autant plus que quand il se retourna sur elle, il avait un large sourire aux lèvres – qui disparut en l’espace d’un quart de seconde – qui avait beau être la chose la plus adorable qu’elle ait vu depuis longtemps mais qui, dans la situation actuelle, ne fit que l’inquiéter davantage. Cela signifiait-il quelque chose ? Avait-il déjà trouvé celle qu’il lui fallait pour reprendre pieds ? Cette simple idée acheva de la faire se sentir mal.

Le cercle infernal se poursuivit lorsque Don se baissa sur elle – encore une fois – pour lui annoncer, le plus galamment du monde, qu’il avait envie de pisser. Son regard perdu dans le vide entre les têtes de Jeemie et Hayley, elle acquiesça silencieusement, attrapa la moitié de joint qu’il lui demanda de garder et ne fit aucun autre commentaire. Qu’il se casse, elle s’en fichait pas mal. Qu’il l’abandonne alors qu’elle était à deux doigts de l’évanouissement, là c’était plus problématique. « Bon, » lâcha-t-elle pour couper court au silence théorique et gêné entre les trois protagonistes. Elle tira une longue bouffée de la « cigarette spéciale » et, dans une quinte de toux due au manque de pratique qu’elle dissimula derrière un éclat de rire forcé, elle secoua la tête nerveusement. « Contente de vous avoir vus. Amusez-vous bien, tous les deux. » Le joint entre les dents, elle mima la fin de sa phrase à l’aide de ses deux mains et lâcha un nouveau rire. Rire qui s’évanouit lorsqu’elle tourna les talons et leva les yeux au ciel devant sa propre attitude. Elle eut soudainement envie de pleurer, pas de tristesse ni de jalousie, non, d’étouffement. Elle sentait un poids énorme dans sa poitrine, comme elle n’en avait jamais connu auparavant et la foule opaque autour d’elle ne faisait qu’accentuer son malaise. Elle se fraya un passage parmi les spectateurs qui étaient à fond dans leur concert. Certains l’insultèrent au passage. Elle ne ralentit pas un seul instant. Pas même quand elle rentra de plein fouet dans un homme au physique d’ours qui fumait une cigarette semblable à la sienne. « Excusez-vous, euh, non, moi... » eut-elle à peine le temps de maladroitement prononcer avant d’être repoussée à l’extérieur du flot humain. Enfin, elle pouvait inspirer une bouffée d’air frais.

Elle posa ses paumes sur ses cuisses, laissa sa tête retomber mollement avant de fermer les yeux quelques secondes. L’univers tout entier tourna à l’intérieur de son esprit, mêlant les visages qu’elle venait de voir, les odeurs d’alcool, d’herbe et de tabac, le son tonitruant qui s’échappait des immenses enceintes. Puis le calme revint. Elle rouvrit les yeux, comme si rien ne s’était passé. Voilà qui était mieux. Ses tripes ne menaçaient plus de ressortir sans crier gare, son cerveau était apaisé et ses lèvres se permirent même d’esquisser un sourire. La jeune Gordon baissa les yeux sur la cigarette avec reconnaissance puis en prit une nouvelle, longue, taffe. Bon sang, c’était encore plus efficace que la vodka cette petite chose !

Alexandre se retrouva bien malgré lui collé contre les personnes du rang devant lui et visiblement ils étaient là depuis un long moment au vu de l'odeur mixée de tabac et d'alcool qui se dégageait du couple devant lui. Il eut une moue de dégout et, doucement mais sûrement, fit un pas en arrière une fois que le mouvement de foule fut stoppé. A peine quelques secondes plus tard, il repartait à la chasse du bel inconnu mais il avait lui aussi subit la vague humaine et Alex n'arrivait pas à le retrouver. Après une dizaine de minutes d'observation il soupira et abandonna, tirant une taffe sur sa cigarette. La soirée n'était pas encore finie et il trouverait surement quelqu'un avec qui la finir agréablement. Il reporta pendant quelques minutes son attention sur le groupe qui jouait avec la même passion, visiblemnt aveugle à ce qu'il s'était passé quelques minutes auparavant lorsqu'il fut bousculé par une jeune femme, dans ses 20 ans, brune, jolie mais qui ne semblait pas aller très bien. Alex fronça des sourcils à sa phrase et n'eut pas le temps d'y répondre que la brunette s'était frayée un chemin vers la sortie. Il hésita quelques secondes avant de prendre le même chemin qu'elle, ne prenant pas la peine de s'excuser de bousculer la foule, s'ils n'étaient pas contents qu'ils s'en aillent, c'était un concert de rock après tout.

Alexandre la retrouva facilement, elle ne s'était pas trop éloignée du chapiteau mais n'avait cependant pas l'air de vouloir y retourner. Il jeta un dernier coup d'oeil derrière lui, jaugeant son envie de retourner sous ce chapiteau rempli à rabord et sentant la sueur à la possibilité d'aborder Constance. Ce n'était pas les meilleures conditions pour draguer mais Alex avait de nombreux scénarios en tête, et il comptait bien repartir avec quelqu'un à ses côtés ce soir. Il s'avança vers Constance, son pas sûr, sa phrase d'introduction déjà toute prête. Il jeta le mégot de sa cigarette puis contourna la jeune femme, se mettant sur le côté afin de ne pas l'effrayer. La dernière chose qu'il voulait c'était recevoir une dose de bombe au poivre et de se retrouver enfermé au poste. Il tenait pas vraiment à ce qu'Eros le sorte de là une nouvelle fois.

"Excusez moi miss mais vous avez fait tomber votre porte feuille quand vous m'avez bousculé..." dit il en lui tendant son portefeuille qui n'était pas tombé tout seul du sac de la belle. Cependant, jouer le bon samaritain, insistant sur son accent anglais avec le sourire le plus innocent du monde, c'était une combinaison qui faisait des ravages. Il attendit quelques secondes avant de reprendre, se basant sur sa première observation de la jeune femme.

"Vous allez bien ?"

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La fête battait son plein, l'ambiance était à l'euphorie générale. Le groupe semblait remporter l'approbation d'un public qui se laissait conquérir aussi facilement qu'une jouvencelle en détresse sous les mots doux du héros qui la sauve. Triste génération X, qui avait besoin d'évasion pour échapper à la cruelle réalité du monde virtuel qui les entourait. Sous ce chapiteau, dans l'atmosphère moite, électrique et empreinte d'une certaine mélancolie régnait pourtant une étrange harmonie. Si la foule se bousculait, il régnait très peu d'animosité dans les environs.

Pendant ce temps, plusieurs personnes disposées à des endroits stratégiques s'échangeaient de longs regards entendus. Oui, tout fonctionnait comme sur des roulettes. L'ennemi semblait occupé ailleurs, et l'espace qu'ils avaient conquis se laissait bercer d'une douce plénitude. Certains n'étaient pas très fiers d'avoir eu recours à des méthodes pour le moins illégales, mais ils avaient obéi aux ordres. Et le tout semblait fonctionner parfaitement. La poudre, parfaitement invisible une fois diluée dans un liquide quelconque, faisait son petit travail chimique. Les employés, distribuant par-ci par là boissons softs et alcools, se chargeait de répandre son effet un peu partout, la majorité des spectateurs ne rechignant pas devant un verre gratuit. Et les corps se rapprochaient, doucement mais sûrement. Chaque chose en son temps. La blonde magnifique, chef des opérations, esquissa un sourire.

Néanmoins, il semblait qu'un endroit avait été épargné par ce déluge de bons sentiments et d'effusions d'affection. Des retrouvailles pour le moins étranges. Mauvais signe. Un ange était passé, silencieux, trop même. La blonde scruta ses hommes. L'arrivée d'Alexander Murphy, bien connu de tous, dans les parages s'annonçait pourtant comme un évènement perturbateur incontrôlable. Mais rien ne pouvait s'opposer au destin. A la force des jeux de l'amour et du hasard.

Un agréable serveur plaça sans mot dire un verre dans les mains de Jeemie et Hayley, encore interloqués par la rencontre qu'ils venaient de faire. Leurs lèvres, une fois trempées dans le liquide trafiqué, n'auraient plus par la suite qu'à se rencontrer. Ca ne serait qu'une question de temps. Marie Curie avait bien travaillé. D'ici quelques minutes, ils oublieraient tout de cette situation gênante pour ne plus se voir qu'eux. Pour qu'elle ait enfin une chance.

Quand à celle qui avait fait tant de mal, autant aux autres qu'à elle, elle semblait foncer dans la gueule du loup. La rencontre entre Constance et l'habile pick-pocket n'annonçait rien de bon. La blonde se rassura en apercevant leur joint respectif. Ils avaient pris soin de couper l'herbe qui circulait avec leur pilule miracle. Mais peut-être était-ce une mauvaise idée dans le cas présent. Le prédateur et la jeune proie unis par une pulsion mutuelle. Mais le destin s'infiltrait partout, brisant les règles, même celles de la chimie. Constance sentit naître en elle une furieuse colère, dont le volage faussaire allait bientôt être la cible... Juste retour des choses?

Ses yeux regardaient tour à tour Jeemie et Constance. Elle sentait la main du jeune homme serrant toujours fermement la sienne et quelque part, cela la rassura, mais pas autant que la joie qui la submergea quand Chewbacca remarqua que c’était ELLE qui accompagnait Jeemie. Elle s’empêcha néanmoins un sourire victorieux quand elle vit la moue déconfite du photographe. Mais pourquoi fallait-elle qu’elle réapparaisse ainsi ? Pourquoi maintenant ? Voir le jeune homme si mal ne la rendait pas seulement triste, mais en colère aussi. Ne lui avait-elle pas fait assez de mal ? Il semblait si bien avant de la voir, maintenant il regardait le sol. Elle releva les yeux, furieuse sur l’intruse mais son visage se transforma bien vite en une expression mêlé de surprise et d’incompréhension. Que Constance fume un joint, elle s’en fichait pas mal, par contre, qu’elle ose blesser, une fois de plus le cadet des Knighton, ça ne faisait qu’agrandir toute l’animosité qu’elle portait à son égard. Elle s’apprêtait même à lui rétorquer une phrase assassine mais alors qu’elle ouvrait la bouche, la jeune femme prit la poudre d’escampette, non sans auparavant se moquer de la situation, en tout cas, c’est de cette façon que le prit Hayley, et ça lui faisait terriblement mal. N’était-elle pas assez bien pour Jeemie ? Pourquoi n’aurait-elle pas sa chance ? Contrairement à son ex-copine, elle ne lui voulait que son bien, elle ne le laisserait pas tomber du jour au lendemain sans explication.

La foule continuait de danser et s’amuser au rythme de la musique, ne prêtant aucune attention aux deux jeunes, toujours amorphes de la situation qu’il venait de subir. Hayley tira la main du jeune homme. « On devrait peut-être sortir de la foule, prendre un peu l’air… » Et retrouver les esprits de Jeemie par la même occasion. Elle se fraya un chemin parmi l’affluence en prenant soin de se diriger dans la direction opposé de Chewbacca. Pour une fois, elle devait bien avouer que sa taille, pas très grande, était un avantage certains, contrairement au court moment où ils avaient pu, eux aussi, à l’image de tous ses festivaliers, profité de la musique, elle voyait à peine la scène par intermittence entre les têtes des personnes qui se trouvaient devant eux. Une fois sortit de la foule, elle devait bien avouer qu’un peu d’air frais lui faisait un bien fou. Sa tête était toujours remplie des mêmes questions qu’elles s’étaient posé quelques instants auparavant. Alors qu’elle levait les yeux vers lui, elle se rendit compte que sa main n’était plus dans la sienne, elle devait bien avouer que ce contact lui manquait déjà. Un serveur passa à se moment là devant eux et leur mis un verre dans les mains. Elle l’accueillit avec soulagement, enfin son esprit pourrait se concentrer sur autre chose. Elle but alors une grande gorgée, ce n’est qu’après qu’elle réalisa qu’elle n’avait strictement aucune idée de ce qu’il y avait devant et que son geste n’était peut-être pas très responsable. Cependant, elle doutait que l’organisateur accepte qu’on serve des substances illicites de façon consciente. Elle chassa donc bien vite l’idée de sa tête et approcha ses lèvres de nouveau du verre. Elle gagnait du temps, pour se donner du courage, car oui, elle aurait bien besoin pour ce qu’elle s’apprêtait à dire, et surtout à faire. Elle attendait depuis trop longtemps, maintenant qu’elle était devant lui, elle devait tenter sa chance, elle n’aurait alors rien à regretter. « Tu es un garçon adorable Jeemie, elle ne le voit pas, et moi je… » Elle s’arrêta, ses yeux plongé dans les siens, elle avait complètement perdu le fil de ses idées, mais à dire vrai, pour rien ne l’importait vraiment à présent. Elle s’approcha de lui, son cœur battait à cent à l’heure, ses mains, tremblantes, hésitèrent longuement avant de se poser sur ses joues. Elle se mit sur la pointe des pieds, il était bien plus grand qu’elle tout de même, et attira sa tête vers elle. Elle posa ses lèvres sur les siennes, d’abord timidement, redoutant sa réaction avant de se laisser complètement aller.

Les mots lui manquaient cruellement. La situation avait des allures irréelles. Cette subite apparition « fantomatique » – qu’il n’avait hélas pas vu venir, avouons-le – le scotchait littéralement au sol, au sens propre du terme. L’espace d’un instant il crut avoir été victime d’un black-out de quelques secondes durant lequel un individu serait venu déverser de la glu extra-forte sous ses semelles de chaussures ; d’où son incapacité actuelle à s’enfuir le plus loin possible. Comme prisonnier de son propre corps, Jeemie n’eut d’autre choix que de grandement pivoter la tête dans une direction opposée, de sorte à ne surtout pas croiser le regard du Diable en personne. Cependant, et au risque de finir brûlé sur place par les flammes de l’enfer, il s’autorisa une brève entorse au règlement qui stipulait pourtant qu’il devait absolument éviter tout contact visuel avec sa bourrelle. Alors qu’un silence de plomb – qui faisait contraste avec le décor alentour – s’était installé depuis plusieurs secondes entre les différents protagonistes, Constance fut la première à interrompre ce mutisme contagieux ; qui illustrait pourtant clairement le calme habituel précédant une tempête dévastatrice très proche. Lentement, comme si un mouvement trop brusque de sa part pouvait lui causer bien des dommages, il braqua solidement et intentionnellement son regard chocolaté vers la brunette qui venait présentement de prendre la parole. A dire vrai ses remarques furent le cadet de ses soucis, l’intégralité de son attention était concentrée sur la minuscule chose enfermée entre ses doigts fins qu’elle faisait aller et revenir à répétition entre ses lèvres. Le geste était précis, bien que maladroit, et cette simple vue lui provoqua de nombreuses remontées nauséeuses acides qu’il retint tant bien que mal. Il fallait à tout prix soulever une première énigme qui logiquement nous conduirait par la suite vers un second problème. Depuis quand Constance fumait-elle ? Pourquoi lui avoir caché un tel secret depuis tout ce temps ? Et en admettant qu’il fut capable d’accepter ce fait déplaisant ; elle prenait de la drogue ? De toute évidence il était bien loin de tout connaître à son sujet, la vie promettait de lui apprendre encore des milliers de choses déplaisantes sur son compte dans les jours ou années à venir.

A ce moment même, le jeune homme était tout un tas d’adjectifs à la fois. Dégoûté, écœuré, las, démoralisé, désappointé mais avant tout déçu. Son comportement personnel n’avait rien d’exemplaire, néanmoins il était encore capable de remarquer les changements opérés sur une personne qu’il pensait jusque là connaître mieux que lui-même. D’abord cette espèce de géant écervelé – blond de surcroît – et maintenant ce joint avec lequel elle se pavanait de façon triomphante et orgueilleuse ? Cela ne lui ressemblait définitivement pas. Jamais ô grand jamais sa Constance n’aurait été fière de se montrer de cette manière en public, aussi… arrogante. Jamais il ne l’avait vu exprimé une quelconque forme de dédain envers quelqu’un, pas même pour le plus méprisable de tous les hommes. Comment le symbole humain de la douceur absolue pouvait-il en un éclair se transformer en une boule d’ironie immonde et disgracieuse ? C’est la question qu’il lui tarauda l’esprit tandis que l’intéressée disparaissait lâchement parmi la foule opaque de gens. Déconnecté et immobile – n’ayant pas vraiment changé de posture depuis le début de ces retrouvailles accidentelles –, c’est le regard dans le vague qu’il fixait bêtement l’endroit exact où il avait perdu Constance de vue un peu plus tôt. Ce n’est qu’au moment où Hayley tira légèrement sur sa main qu’il sembla récupérer certaines de ses facultés. Au moins il était toujours conscient. Un bon point.

Sans broncher, il se laissa entraîner entre tous les festivaliers amassés au bord de la scène et inspira une énorme bouffée d’air lorsqu’ils furent à nouveau maîtres de leurs membres. Il était sacrément agréable de pouvoir se mouvoir comme bon nous semblait sans avoir la désagréable impression d’être oppressé de tous les côtés. Ils furent presqu’aussitôt accostés par un serveur silencieux qui se contenta de leur glisser des boissons – qui étaient bien entendu les bienvenues après les récents événements – dans les mains avant de repartir dans l’autre sens. Contrairement à la jeune femme qui avait choisi de consommer le liquide gorgée par gorgée, Jeemie choisit une autre option. Il ne lui fallut pas plus de deux secondes pour vider le verre immédiatement récupéré par un autre serveur qui passait par là. A croire que celui-ci n’avait rien de mieux à faire que de reprendre les verres vides afin d’éviter aux gens toute sensation d’encombrement. Sans le comprendre – une petite voix intérieure lui intimant qu’il s’en contre-fichait pas mal de toute façon – le sentiment de mal être qui l’avait jusque là habité s’évapora progressivement. Ce tour de magie prit davantage d’ampleur dès l’instant où la voix mélodieuse d’Hayley parvint jusqu’à ses oreilles. C’était inexplicable. Le concert était bien loin. Les instruments étaient à peine perceptibles. Comme coupé du monde, il accordait son unique intérêt à la jolie petite brune qui se tenait devant lui, tout le reste se transformant en une musique d’ambiance éloignée. La suite, pour le moins inattendue, se déroula d’elle-même. A la manière d’un pantin entièrement malléable et contrôlable, Jeemie greffa ses envies et désirs sur ceux de la jeune femme qui, rapidement, ne laissa plus planer aucun doute sur ses intentions. Etourdi par l’atmosphère particulière qui régnait sous le chapiteau, Knighton prit aussitôt les commandes de ce baiser fougueux qui n’aurait peut-être jamais eu lieu sans le coup de pouce d’une présence bienveillante ce soir là. Comme subitement pressé, le jeune photographe entama une marche accélérée à reculons tout en attirant dans son sillage son amie qui, dès lors, ne pouvait que se soumettre à sa volonté. Ses lèvres avaient quitté les siennes le temps de s’écarter encore plus de tous ces inconnus mais bien vite elles repartirent à leur assaut, les mains de Jeemie découvrant pour la toute première fois les formes joliment dessinées de cette moitié de femme dont il ignorait pratiquement tout. « Parfois je me dis que j’ai perdu un temps fou avec elle. » Dit-il d’une toute petite voix après avoir éloigné son visage du sien. « Elle me baratinait depuis le début. » Conclut-il alors sèchement. Dans son couple, Constance n’avait jamais manqué de rien. Elle s’était toujours montrée très épanouie devant lui alors que par derrière, ses doutes étaient nombreux. Du jour au lendemain elle avait cruellement décidé de mettre un terme à cette relation pourtant prometteuse pour des raisons, à ses yeux, non recevables. Elle ne savait pas ce qu’elle voulait et n’avait pas hésité un seul instant à lui faire perdre son temps tout en sachant pertinemment quel genre de projets il avait imaginés pour eux deux. Nullement déstabilisé par son propre raisonnement – ce qui en temps normal n’aurait pas été le cas –, il l’entoura de ses deux bras et vint se lover contre elle ; engouffrant son visage dans le creux de sa nuque dans le but de s’enivrer toujours un peu plus de son doux parfum. A présent, ce même effluve lui faisait étrangement tourner la tête. Impossible de savoir si cela était plaisant ou déplaisant. Mais une chose était sûre, il le rendait dépendant.

Demandez à n’importe qui ayant côtoyé, même quelques minutes seulement, Constance Gordon, tous vous diront à quel point elle est une fille droite, respectable, la représentation caricaturale de la bru idéale. Certes, comme tous les gens de son âge, elle aimait faire la fête et boire un peu d’alcool en soirée, mais elle n’avait jamais terminé ivre morte, elle connaissait ses limites et ne les dépassait pas. Elle ne fumait pas non plus – si, évidemment, elle avait essayé au début de l’adolescence, comme tout être humain qui se respecte, elle avait détesté l’expérience – et n’avait jamais touché à la drogue. Elle avait ainsi développé l’image de la fille parfaite, qui allait de paire avec son caractère calme et enjoué. Image qui était aux antipodes de celle qu’elle donnait ce jour-là, avec son regard de faon égaré et son joint entre les doigts. Oh, bien sûr, pour les rares personnes qui lui prêtaient attention, elle s’ancrait parfaitement dans le décor, avec son chapeau un peu bohème et son sourire béat qui devait tout à la substance illicite qu’elle inhalait dans des mouvements automatiques. Si elle avait été capable de faire preuve de recul et d’auto critique, nul doute qu’elle aurait eu honte d’elle-même. Mais elle s’en fichait. Elle ne constatait que la plénitude dans laquelle une simple feuille de papier et un peu d’herbe la plongeaient, se blâmant simplement de ne pas avoir découvert ces bienfaits plus tôt. Sauf qu’elle ignorait à quel point les effets du cannabis étaient dépendants des émotions ressenties par le consommateur. Alors, oui, pendant un moment, elle se sentit bien, très bien, néanmoins elle pouvait déjà s’apercevoir que ses mains se mettaient à trembler à nouveau, que son esprit retournait inexorablement vers la vision qu’elle avait eu plus tôt. Elle revoyait Jeemie et Hayley main dans la main, elle le visualisait désormais l’entourant de ses bras, son imagination la tortura davantage en lui montrant son Jeemie en train d’embrasser cette moins que rien de Finley, dans la même seconde elle espéra qu’il se bloque le dos à force de se pencher pour atteindre son visage – qui devait approximativement se situer à un mètre vingt du sol, lui souffla sa mauvaise foi – et il lui fallut un élément extérieur pour revenir sur terre. Pour se rendre compte de la stupidité dont son inconscient faisait preuve.

C.G. releva la tête vers son interlocuteur – l’homme-ours dans lequel elle était rentrée quelques minutes auparavant – et dut se concentrer un peu plus fort que la normale pour comprendre ce qu’il disait, non seulement à cause de son accent mais surtout parce que ses facultés cérébrales lui faisaient cruellement défaut. « Oh, oui, pardon. Merci. » Des bredouillements, encore une fois. Cependant, ils n’avaient rien à voir avec le charmant britannique – un seul visage occupait déjà toutes ses pensées, elle ne pouvait hélas pas remarquer à quel point l’inconnu était sexy –, ils étaient surtout dus à ce sentiment de colère exacerbée par la seconde question de l’homme qui montait en elle. « Bien sûr que je vais bien, » railla-t-elle d’une voix tranchante en attrapant, un peu trop violemment, son portefeuille qu’elle balança à l’intérieur de son sac sans plus de cérémonie. « Je ne vois pas ce qui pourrait aller de travers dans ce monde si merveilleux, à un concert si sensationnel ! » Elle leva les bras au ciel pour accentuer son ton de tragédienne. Pas l’ombre d’un instant elle ne se rendit compte du ridicule dans lequel elle plongeait en agressant ainsi cet inconnu qui était venu vers elle en gentleman. La jeune femme détourna les yeux pour les poser sur la foule qui semblait s’être métamorphosée depuis qu’elle en était sortie : tous se tenaient par la main, se regardaient avec affection et envie, un couple sur trois s’embrassait. Cela sonnait le début d’une orgie façon bacchanales ou elle ne s’y connaissait pas. « Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez les gens ? Ils se sont donné le mot pour me ruiner la vie, c’est ça ? » Ca y était, la nausée lui reprenait. Elle tourna le dos à la foule, se retrouvant à nouveau face à l’Anglais, qui n’avait pas bougé d’un pouce. « Et vous, vous n’avez rien de mieux à faire que de rester planté là ? Si vous espérez l’espace d’un instant que je vais partager votre lit ce soir ou quoique ce soit du genre, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Et jusqu’au coude. » Sentant les larmes lui montaient aux yeux – encore, cela commençait vraiment à bien faire – elle baissa la tête et, réalisant enfin la scène surréaliste qu’elle offrait - il lui avait simplement rendu son portefeuille, pardi ! -, balança le joint dans l’herbe et le piétina avec plus de rage que nécessaire. Elle n’aurait jamais dû venir à ce foutu festival.

"De rien miss..." lui répondit il avec un sourire. Il ne fallait pas être Einstein pour voir que Constance n'était pas dans son état normal. Alexandre avait beau ne pas la connaitre, il pouvait dire avec une faible marge d'erreur que la brunette n'était pas coutumière de la fumette. Certes pour le moment elle semblait bien réagir au produit illicite mais le faussaire savait que cela pouvait changer à tout moment et qu'avec Constance il faudrait prendre des pincettes. D'ailleurs, alors qu'il se la jouait bon samaritain, la réponse séche de la jeune femme ne se fit pas attendre.

"Visiblement rien..." répondit il prudemment. Alexandre ignorait si Constance était venue accompagnée ou seule, mais en tout les cas, la jeune femme avait visiblement était témoin de quelqu'un chose qui lui avait fortemment déplu, et la drogue n'aidait en rien son état, au contraire cela l'alimentait comme l'oxygène pouvait alimenter un feu. Et avec la chance qu'Alexandre avait en ce moment avec les femmes, il allait en être la victime. Enfin, ça c'était dans le pire des cas, il savait comment se sortir de toute situation, enfin presque, et puis la barrière entre colère et désir pouvait parfois être tellement fine...tout comme la vengeance d'ailleurs. Alexandre n'avait aucun problème moral a être utilisé comme tel, il n'avait aucun partit prit dans l'histoire de Constance.

Le faussaire suivit le regard de la jeune femme sur le reste des spectateurs qui sortaient du chapiteau. L'ambiance avait légèrement changée depuis qu'il était entré à l'intérieur, tout le monde était avec quelqu'un, visiblement heureux de s'être trouvés et pour certains la manière dont ils allaient terminer la soirée était claire.

"Mmh...je ne pense pas, vous savez c'est un festival...sexe drogue et rock'n'roll, c'est le trio gagnant." dit il en la regardant de nouveau. Sur trois il en avait deux, le troisième ne tarderait surement pas songea t'il dans son égo de séducteur.

Alexandre prit une mine innocente, puis offensée à l'attaque de la jeune femme. Certes, elle n'avait pas tort, le faussaire espérait bien arriver à ses fins avec elle, mais là était tout le jeu, ne pas montrer que l'on désirait quelque chose, laisser l'autre le proposer et finalement accepter...Alex était maître dans cet art là. Il la regarda piétiner le pauvre joint à moitié consumé et continua sur sa lancée du bon samaritain.

"Ecoutez, j'ai juste voulu être gentil...j'aurais pu le laisser à un des vigiles, et je doute que vous l'auriez récupéré, ainsi que son contenu...Je ne vous l'ai pas rendu en espérant quelques faveurs que ce soit."

Il marqua un temps d'arrêt, détournant son regard sur les couples qui sortaient du chapiteau en se roulant des pelles avant de revenir vers Constance qui lui semblait un peu perdue.

"Je m'appelle Alexandre...je pensais m'amuser ici mais c'est tout l'inverse, à croire que l'univers m'a volontairement éjecté de la partie..."

L’appréhension qui l’avait gagné avant qu’elle ne tente se geste fou se dissipa en quelques secondes, le temps qu’il réponde positivement à cette proximité. Ses lèvres avaient encore le goût de cette boisson étrange ce qui la poussa à l’embrasser plus ardemment. La décence aurait du lui imposé de ne pas se montrer ainsi en public, mais s’était comme si toutes les barrières qui auraient pu la retenir n’existait plus, elle était complètement emportée par la fièvre du moment. Jeemie eu alors la merveilleuse idée de les éloigné un peu de la foule, ce moment leur apparenterait, il lui appartenait, là tout de suite, c’était ses lèvres collés contre les siennes dans cette proximité dangereuse qui faisait lui perdre un peu plus ses moyens à chaque seconde. Elle laissa les mains du jeune homme parcourir ses formes, sans doute plus que de raison, après tout, excepté des détails futiles comme sa couleur préférée ou la façon dont il aimait boire son café, elle ne savait pratiquement rien de lui.

« N’y pense plus. » dit-elle presque de façon presque désinvolte. Le fait qu’il glisse le nom de Constance entre deux baisers ne lui faisait presque rien alors que leur rencontre fortuite avec la jeune femme ne remontait même pas à vingt minutes. Elle se laissa guider contre le torse de Jamie, entourant sa taille de ses petits bras. Elle pouvait entendre les battements de son cœur, elle ne put s’empêcher de sourire à ce son qui résonnait comme une composition féérique de John Williams dans ses oreilles. Elle aurait du se poser des questions, elle aurait du se méfier, penser que se rapprochement soudain était un moyen pour lui d’oublier son ex-copine et que n’importe quelle compagnie féminine lui suffisait, que bientôt il la laisserait pour aller batifoler avec une autre et qu’elle n’aurait pas du agir de la sorte. Pourtant, aucune de ses pensées ne lui traversa l’esprit, Hayley était imperméable à toute idée où Jeemie ne serait plus là, tout contre elle. Elle était comme un enfant à Noël, émerveillé et bien loin de se douter qu’une quelconque supercherie se cache derrière cet instant magique. Ses yeux balayèrent l’horizon et s’égarèrent sur un stand de confiserie. Son estomac la rappela à l’ordre et elle se mordilla la lèvre inférieure à la pensée de devoir céder à cet instinct primaire et donc stopper la symphonie qui lui berçait les oreilles. Elle leva la tête et croisa le regard du jeune homme. Elle osa s’aventurer une nouvelle fois vers ses lèvres pour y déposer un tendre baiser avant d’ajouter : « Si je ne nourris pas mon estomac, j’ai peur qu’il m’intente un procès… »

[Désolé du temps de réponse, j’ai eu une semaine de fou, et le post pas top du tout:/]

Ce changement brusque d’attitude envers Hayley était pour le moins louche, inhabituel et étrange. Car s’il y avait bien un détail auquel Jeemie faisait extrêmement attention c’était de vérifier que ses prétendues conquêtes soient de parfaites inconnues qu’il n’était pas près de revoir ou croiser un jour ultérieur. Une amie de son frère – meilleure amie de surcroît – représentait donc un obstacle majeur pour ses éventuelles chasses passagères. Tout ce qu’il souhaitait ou pensait vouloir, c’était passer un moment agréable en compagnie d’une charmante demoiselle qui parviendrait à le conforter dans l’idée suivante : il était un garçon plutôt mignon, il pouvait plaire à des filles que jusque là il ne pensait pas mériter, n’importe quelle autre spécimen féminin suffirait à remplacer C.G. dans son cœur et enfin, que cette dernière n’était définitivement pas ce qu’elle prétendait être. Emotif comme il était, il s’était banalement laissé emporter par ses stupides sentiments et avait vu en Constance la femme idéale – certes trop bien pour lui – pour qui il aurait été prêt à tout sacrifier simplement pour l’avoir à ses côtés. Aujourd’hui il réalisait progressivement qu’il n’était rien d’autre qu’un imbécile heureux beaucoup trop rêveur dans un monde actuel qui ne répondrait jamais à ses attentes. Parfois il en venait même à se demander s’il n’avait pas été une petite fille, obnubilée par ces histoires de princes charmants, dans une vie antérieure tant trouver l’incarnation d’une perfection chimérique était important à ses yeux. Et comme un crétin de bas étages, il pensait cela réel et trouvable.

L’étreinte entre les deux jeunes gens s’éternisait et pourtant le temps filait à une vitesse folle. Ce rapprochement était tellement… improbable – n’ayons pas peur des mots – qu’il rendait d’une certaine manière la situation complexe. La jolie Hayley n’avait rien de repoussant – au contraire – seulement agir de la sorte ne ressemblait pas, ou plus, vraiment à Jeemie. Depuis sa séparation d’avec C.G. le jeune homme se contentait de contacts physiques approximatifs ou pour la plupart directs et bestiaux. Rien de plus. Il laissait place à ses instincts primitifs qui se chargeaient de prendre en mains le restant de la soirée ou de la nuit suivant l’occasion. Faire preuve d’affection réelle et sincère – et sans arrière-pensées surtout – lui semblait très lointain. Il ne cherchait aucunement à aimer de nouveau, beaucoup trop douloureux, mais combler les vides criants de son quotidien était un début ; un premier pas vers une hypothétique guérison. La seule raison pour laquelle il pourrait se comporter ainsi – de manière plus ou moins douce et câlin – serait la prise d’une drogue ou l’abus d’alcool, éventuellement. Dans tous les cas, il n’aurait plus le contrôle de son corps et de son esprit. Encore une fois, précisons que la jeune femme n’était pour rien dans ce raisonnement qui demeurait le même pour elle ou une autre.

Alors qu’en début de soirée sa jauge de bonne humeur était dans l’ensemble mitigée, à cet instant précis elle semblait être remontée en flèche. Il régnait au festival une ambiance tellement euphorique – érotique pour certains – qu’elle n’avait pour ainsi dire rien d’humain. Une personne extérieure à la scène l’aurait très vite compris. Mais pour quelqu’un qui, comme eux, subissait les effets ambigus et incontrôlables d’une certaine substance ingurgitée tout était parfaitement normal. Même si dans le cas de Jeemie il se sentait comme planer, littéralement stone, et beaucoup trop heureux pour que ce soit vrai. Tous ses soucis avaient quitté sa tête. S’amuser, profiter de la fête et rester avec Hayley étaient ses trois principaux objectifs. « Je ne voudrais pas que tu ais des problèmes. » Répondit-il d’une voix presque idiote lorsque Finley mentionna son estomac. Ils se remirent donc tous les deux en route vers un stand de confiseries où déjà quelques personnes faisaient la queue. Bientôt ils se greffèrent au groupe. Pendant ce temps Knighton s’occupait en regardant les différents couples qui s’étaient rapidement formés en l’espace de seulement une demi-heure. Bizarre. Mais comme pour tout ce qui l’entourait, il s’en fichait. Alors que c’était au tour de Hayley de passer commande, le regard du photographe s’attarda plus longuement sur la silhouette d’une brunette à plusieurs mètres de là. Les gens étaient nombreux ce soir, il y en avait suffisamment pour ne pas avoir à recroiser deux fois les mêmes personnes. Et pourtant le destin – qui de toute évidence lui en voulait – lui imposait une nouvelle fois la vue de son ex-petite-amie ; d’ailleurs en compagnie d’un homme, certainement la trentaine passée et pas des plus moches, avec qui elle discutait. Le blondinet qui l’avait d’une façon charmante informé de son passage obligatoire aux toilettes n’était plus d’actualité ? Désormais elle misait sur les partenaires plus mûrs ? Un choix comme un autre, raisonna-t-il intérieurement pour lui-même. La boisson que le serveur lui avait imposé à boire avait beau posséder des dons qui dépassaient de loin l’entendement des mortels, la scène qui s’offrait à ses yeux le ramenait doucement à tous ses tourments qui jusque là s’étaient cachés dans un endroit tenu secret. Toute trace de sourire s’effaça bientôt de ses lèvres pour laisser place à un visage sans expression particulière, impassible. C’était malgré lui que ses yeux chocolatés fixaient intensément et sans interruption l’échange entre les deux protagonistes. Etait-ce le fruit de son amertume envers elle – bien plus forte qu’une potion cupidienne – ou bien était-ce simplement un effet secondaire de ce même liquide qui le poussait à se retourner vers l’amour avec un grand A ? On ne saurait le dire.

« Vous avez raison, je… Je suis désolée. » La Constance énervée, rebelle et sans peur était désormais loin. La jeune femme releva la tête vers son interlocuteur, son regard empli d’un malaise évident qu’elle ne chercha même pas à dissimuler derrière un sourire. A quoi bon ? Elle venait de faire une démonstration d’impolitesse et de rudesse sans précédent, nul besoin d’ajouter de l’hypocrisie à sa liste. « Ca doit être toute cette situation, tous ces gens, ça me fait voir le mal partout. Je vous demande pardon. Merci de me l’avoir rapporté en main propre, j’ai eu de la chance qu’il ait été récupéré par quelqu’un d’intègre. » Elle marqua une pause et hocha lentement la tête, une moue plus engageante – ce qu’elle pouvait produire de plus ressemblant à un sourire – se dessina au coin de ses lèvres tandis que l’inconnu se présentait. « Constance. Mais tout le monde m’appelle C.G. pour faire plus court et moins pompeux… » Elle se mordilla nerveusement la lèvre inférieure pour se forcer à se taire. Franchement, qu’est-ce qu’il en avait à faire ? Il voulait son prénom pour briser la glace – et elle devait avouer que le voir s’accrocher autant, même après s’être fait méchamment envoyer paître, prouver à quel point il était tenace – pas son C.V. détaillé. « Bienvenue au club, » souffla-t-elle avec amertume en réponse à sa dernière réplique. Même si, dans son cas, c’était plus elle, de son propre chef, qui s’était « éjectée de la partie », elle pouvait sans peine imaginer où Alexandre voulait en venir. Elle n’osa pas lui demander s’il était venu seul, de peur qu’il interprète mal ses intentions, mais en déduisit par ce qu’il venait de dire et par le temps qu’il avait perdu en sa compagnie que personne n’était avec lui. La règle numéro un du MusicFest était pourtant d’or : ne jamais y venir sans un solide groupe d’amis. A moins d’être un sociopathe averti ou un fin mélomane. Alexandre ne semblait au premier abord n’appartenir à aucune catégorie, ce qui intrigua C.G. « On s’est bien trouvés, les deux rabat-joies du jour, » essaya-t-elle de plaisanter sans grand succès, la drogue étant visiblement encore bien présente dans son organisme.

Son organisme, justement, lui rappela qu’elle n’avait ingurgité que de la fumée depuis son arrivée. Si elle pouvait aisément ignorer l’appel de son estomac, sa bouche pâteuse lui intima de se diriger vers le bar le plus proche pour un rafraichissement bien mérité. « Je peux vous payer un verre pour vous remercier définitivement de m’avoir ramené mon portefeuille ? » proposa-t-elle avec un sourire plus franc, revigorée à l’idée d’avoir une activité, aussi brève fût-elle, pour sortir l’image de Jeemie et Hayley de sa tête. Dommage pour elle, l’univers mentionné plus tôt avait bel et bien décidé de lui pourrir chaque minute de cette journée puisque lorsque son attention se posa sur le stand le plus proche, elle capta dans son sillage, et malgré la foule opacte composée exclusivement de couples, un regard rivé droit sur elle. Un regard qu’elle ne discernait que de loin mais dont elle pouvait faire la description précise même de là où elle se tenait. Mais dont elle se serait bien passée à cet instant. En dépit des cris dans sa tête qui l’intimait de détourner les yeux, elle ne sut les détacher de Jeemie pendant plusieurs secondes, et lorsqu’enfin elle le fit, ce fut pour vérifier si Hayley était toujours dans les parages. Affirmatif. Elle pouvait donc désormais tourner les talons avec la certitude qu’il avait tourné la page. Ou qu’il cherchait délibérément à la faire souffrir. Dans les deux cas, elle ne voulait plus en être le témoin. Elle souhaitait s’éloigner de cet homme qui avait pris l’apparence de celui qu’elle avait aimé – et aimait encore, de ça elle avait l’amère certitude – mais qui n’avait plus rien à voir avec son Jeemie. Constance tenta de s’éloigner dans la direction opposée mais Alexandre s’avançait déjà vers le stand de nourriture, impossible pour elle de ne pas le suivre sans passer pour l’être humain le plus malpoli de la Terre entière. Il ne lui restait donc plus qu’à lui emboîter le pas et à croiser les doigts pour qu’un tremblement de terre ne les empêche d’arriver jusque là-bas. Ou une tornade. Ou un raz-de-marée. Peu importait, pourvu qu’il se passe quelque chose d’affreux et d'incontrôlable.

Alexandre regarda la jeune femme, s'immergeant de plus belle dans son petit rôle. Quoi, ou qui, ai décidé de pourrir la soirée de Constance, venait tout juste d'illuminer sa soirée à lui. Enfin encore fallait il que le plan d'Alex se déroule comme il le prévoyait et il était trop habitué à ce petit jeu pour prendre tout d'acquis. Il finit par hocher la tête, levant sa main qu'il agita doucement pour signifier à la jeune femme que ce n'était pas grave. Il ne put s'empécher de sourire quand elle parla de lui en un terme tellement éloigné de la réalité. Si seulement elle connaissait la moitié des choses qu'il avait fait...c'était assez pour faire fuir les gens, du moins ceux qui étaient au courant. Et le seul qui l'était et ne l'avait pas fait c'était Eros. De là à se dire qu'il y avait quelque chose à creuser il n'y avait qu'un pas mais pour Alexandre cela n'était pas aussi facile...

"Je comprends...surtout que les festivals ne sont pas connus pour être les endroits les plus sûrs du monde."

Certes Alexandre ne craignait pas grand chose, il savait se défendre mais une jeune femme comme Constance ce n'était pas la même chose même si elle semblait oir un fort caractére, ça ne faisait pas tout.

"Enchanté CG." lui répondit il, la gratifiant d'un petit clin d'oeil.

Alexandre se retourna quelques secondes lorsqu'une nouvelle chanson débuta. Il n'était pas mécontent d'avoir quitté l'enceinte fumante et moite du chapiteau. Il reporta son attention sur la brunette acquiesçant à son petit commentaire avant de sourire.

"Peut être que nous étions faits pour nous rencontrer." glissa t'il innocement. Constance n'était pas de celles qui se laissaient faire facilement, au contraire il semblait que malgré son jeune âge elle en avait vécu de son côté, et bien evidemment cela ne la rendait que plus attirante aux yeux du faussaire. Sa proposition cependant le surprit un peu mais il n'en laissa rien paraître et acquiesça, commençant à se mettre en chemin.

"Uniquement si je paye le second." ajouta t'il près quelques secondes. Il remarqua que CG ne le suivit pas et regarda l'objet de son attention. Il ne put distinguer grand chose à cause de la foule se tenant au stand mais au vu de la réaction de Constance cela n'augurait que du bon pour lui. Il ralentissa la cadence de ses pas pour se retrouver à son niveau et se raprocha d'elle, au point que leurs épaules se frôlent à chacun de leurs pas.

"Je ne sais pas ce qu'il vous a fait mais si j'ai un conseil à vous donner...laisser le tomber, ça ne vaut pas le coup de gacher votre soirée..."

Il laissa un silence de quelques secondes avant de reprendre.

"A moins que vous ne vouliez lui donner une petite leçon..."

Ils arrivèrent dans la queue du stand, Alex regardant le nombre de personnes devant eux avant de plonger son regard dans celui de Constance, un léger sourire sur ses lèvres, se voulant rassurant, compréhensif.

Elle marchait le cœur léger, comme si rien ne pourrait jamais mettre un terme à ce moment, rien, jamais, ne pourrait détourner les yeux de Jeemie qu’elle avait mis tant de temps à captivée, car oui, elle pensait qu’elle était la seule responsable de ce rapprochement, après tout, il marchait à ses côtés, comment cela aurait-il pu en être autrement ? Ils arrivèrent au stand de confiseries, Hayley se sentait comme un enfant un matin de Noël, il lui fallut plusieurs minutes pour se décider, et étrangement, mais évidemment, rien de lui semblait bizarre, personne ne pesta contre elle. Les couples derrière eux étaient bien trop enlacés pour trouver quoi que ce soit à redire. Le fait que tout le monde ait de façon stupéfiante trouver un partenaire en cinq secondes lui était parfaitement normal. Elle finit par opter pour une barbe-à-papa, la plus grosse qu’elle ait jamais vu, elle devait certainement faire trois la taille de sa tête et il était fort peu probable que son estomac ingèrent une telle quantité de sucre sans protester, mais une fois encore, rien ne pouvait parasiter, même de façon futile l’excellente humeur de la jeune Finley, elle qui d’ordinaire, était pourtant plus du genre grognon.

Elle paya la commerçante et un large sourire, en tout cas, encore plus grand que celui qu’elle avait jusqu’à présent, s’étala sur son visage. Elle avait la barbe-à-papa qui dissimulait bien la moitié inférieure de son visage. Elle n’avait pas tardé à attraper un énorme morceau avec ses doigts pour l’engloutir sans attendre et lorsqu’elle rejoint Jeemie, on aurait dit un hamster qui faisait ses provisions pour l’hiver tant sa bouche était pleine. Ce fut d’abord un son incompréhensible qui sortit de sa bouche, elle dut s’y reprendre une deuxième fois pour que le jeune homme y comprenne quelque chose. « T’en veux ? » Elle mit plusieurs secondes à remarquer que l’esprit, et surtout les yeux du plus jeune des Knighton étaient absorbés par autre chose. Elle suivit son regard et tomba sans mal sur Constance. Pourtant, elle ne réagit pas de la même façon que plus tôt, elle n’en avait évidemment pas conscience, mais cette étrange boisson lui avait occulté tous ses doutes. Elle était empreinte d’une confiance nouvelle et inhabituelle. Constance ne représentait plus grand-chose à ses yeux, comme si son esprit avait délibérément minimisé la situation pourtant troublante qui se jouait devant elle. Elle prêtait encore moins d’attention à l’homme qui accompagnait celle qu’elle avait toujours représenté comme étant une sorte de rivale en face de laquelle elle n’avait aucune chance. Elle continuait de manger sa barbe-à-papa, insouciante, du moins jusqu’à ce qu’elle pose une nouvelle fois les yeux sur Jeemie. Evidemment, elle ne voyait que lui, et à cet instant, elle trouvait sa réaction bien étrange.

« Ca ne se présente pas très bien. » murmura l’ancien roi de France en grimaçant devant la réaction de Jeemie face à son ancien amour. Mais il n’allait pas laisser la situation se dégrader. Il termina nonchalamment son verre de vin avant de le déposer sur le plateau d’un des serveurs engagés par la délicieuse Marilyn, chef des opérations à l’heure actuelle avant que de se rapprocher des cibles qu’on lui avait attribué des mois auparavant. Depuis la rupture de l’un des deux à dire vrai. Il se gratta le menton alors qu’il tournait en sous marin autour d’eux. Ils ne le voyaient pas. Il n’y avait pas à dire : c’était réellement pratique d’être mort depuis assez longtemps pour ne pas avoir à intervenir directement auprès de ces amoureux en devenir. Du moins sur le papier puisque Henri était un fervent défenseur du libre choix. Et ce même si cela devait conduire son protégé dans une direction différente de celle que lui avait donné l’agence. Il leva son regard pour découvrir que bon nombre de ses collègues de l’amour avait déserté les lieux et il dut s’informer auprès de Marilyn pour en connaître la raison. Les agents de la Discorde faisaient fort de leur côté et on avait besoin de toutes les pensées positives pour combattre la panique alentours. En se retournant, il constata qu’il n’y avait nul besoin en ces lieux de combattre une quelconque peur, fut-elle légitime, face à la mort et au feu. Non, les esprits mortels présents étaient bien trop occupés à se séduire et certains coins des lieux avaient déjà des lupanars. « La Marie n’aurait-elle pas commis quelque erreur de dosage ? » Question sans réponse tant cette dernière était évidente.

« Elle aurait peut être du forcé pour ces deux loustics. » Il fronça le nez alors que son regard se déportait sur Constance et Alexander. Il ne put s’empêcher de sourire en se rendant compte qu’il connaissait ce grand dadais. Tous les agents le connaissait, et pas que pour le défi qu’il représentait. Il secoua négativement la tête. Il n’était pas sa cible, pas davantage que la jolie et douce Constance qui avait subi un peu trop d’amour en même temps. Du moins, c’était le diagnostic de l’agence. « Mes petits sucres d’orge, c’est de vous dont il est question. » Il se frotta les mains et observa la jeune Hayley, analysant ses réactions pour y déceler les émotions. « Mais ce n’est clairement pas comme ça qu’on séduit un homme, jeune fille. » murmura-t-il mi amusé, mi désappointée en observant sa faculté d’avaler barbe à papa et de parler tout dans le même mouvement. Il posa cependant ses mains sur ses épaules, constatant qu’elle était incroyablement positive et apaisée. Finalement, il allait arrêter de critiquer Marie Curie. Elle faisait du bon boulot. Mais elle n’était pas la seule responsable. Il se pencha dans le creux de l’oreille de la demoiselle et lui murmura ses propres pensées comme si elles étaient siennes. « Il a enfin compris que je suis celle dont il a besoin. » Il se redressa et laissa encore quelques secondes ses mains émettant sans le moindre doute une chaleur diffuse et agréable sur les épaules de la brunette avant de reporter son attention sur le jeune homme, un peu plus coriace.

« A toi mon joli. » Il se plaça consciemment entre lui et Constance. S’il avait été visible, il lui aurait très certainement bouché la vue et résolut le problème Constance. Seulement, il agissait en sous-marin et ne l’empêchait pas physiquement pas de la voir. Psychiquement parlant, par contre … « C’est étrange. On dit toujours qu’on ne voit ce qu’on a devant soi depuis toujours en dernier. Et si les émotions que je ressens en cet instant précis, … » Il s’approcha de lui et frôla de ses doigts son cou et sa mâchoire. « … ces frissons … » Sa main se posa contre son cœur palpitant à vivre allure. « … ces battements de cœur effrénés … » Il posa sa main sur son estomac le nouant de ses longs doigts fins. « … ces papillons … » Il recula avant de poursuivre son apposition de pensée. « … Ils ne concernent peut être pas Constance. Plus, du moins. » Il lui sourit avec bienveillance, sans aucun retour en attente. « Regarde Hayley maintenant. Regarde-la comme elle est adorable avec cette barbe à papa plein la bouche. » Il passa à côté de lui et fit en sorte qu’un autre couple les bouscule, rapprochant indubitablement les corps, dégageant les phéromones qui conjugués à la drogue magique de Marie. « Ne jamais s’arrêter de chercher l’amour. Il peut se trouver dans les endroits les plus étranges. »

Il observa avec une bienveillance infinie son couple. Il était persuadé que Jeemie n’avait besoin que d’un coup de pouce pour se diriger vers la meilleure amie de son frère. Il n’y avait pas de raison. Il en savait quelque chose. On pouvait aimer plusieurs fois. Il n’existait pas qu’un unique grand amour. Il pouvait y en avoir au moins deux. Il sursauta en recevant en pleine figure un objet léger mais qui envahit son regard le temps de quelques secondes. Fronçant les sourcils, il retira avec précaution et suspicion le soutien gorge de coton entre ses doigts et en chercha la détentrice. Ses yeux s’arrondirent de surprise en découvrant le spectacle qui s’offrait. Une véritable orgie comme au bon vieux temps de la Rome Antique. Il n’avait jamais vécu ça mais c’était impressionnant. « Que se passe-t-il ?! » s’exclama-t-il, sa voix rendue plus aigue par la surprise. Il chercha du regard un de ses collègues mais ils avaient tous disparu, hormis Marilyn. Il se rapprocha d’elle alors qu’elle tentait de séparer les corps. De l’amour oui, mais là c’était surtout du grand n’importe quoi. C’était de trop. Vraiment de trop. Et les sirènes des pompiers qui commençaient à parvenir pour gérer le conflit de l’agence adverse. Si les policiers avaient l’idée de venir ici, ça allait mal se terminer … « Ca se présente vraiment mal ! »

Chaque pas en direction du stand de confiseries était une nouvelle enjambée vers l’arrêt cardiaque, elle en avait la certitude, pourtant il n’était rien qu’elle aurait pu faire pour échapper à sa destination. Elle emboîta donc le pas d’Alexandre, ses bras tombant lourdement le long de ses flancs, ses pieds traînant comme une enfant qui retardait au mieux l’échéance du bain. Elle était tellement obnubilée par ce qui risquait de se dérouler qu’elle en oubliait l’instant présent, et elle dut faire preuve d’une très grande faculté de concentration pour entendre ce que son compagnon actuel venait de lui dire. « J’ai bien peur que ce ne soit pas lui qui soit à blâmer, » souffla-t-elle, à peine consciente du fait qu’Alexandre n’avait aucune idée de l’identité de l’individu en question. Sa tête était tournée vers le trentenaire mais elle ne pouvait empêcher son regard de scruter l’endroit dans la foule où se tenait Jeemie. Dieu ce qu’elle aurait souhaité être plus forte, qu’elle ait la volonté nécessaire pour tourner les talons et la page. Mais cela lui semblait surhumain. « Ca ne vaut pas la peine qu’on en parle, ça gâcherait votre soirée par-dessus le marché et je n’ai pas envie d’avoir ça sur la conscience. » Elle sourit faiblement et haussa les épaules, pour indiquer que toute cette histoire n’était pas un sujet de conversation intéressant. Elle n’allait pas commencer à déballer toute sa vie à un parfait inconnu. Droguée et un tantinet ivre, oui. Folle et désespérée, non ; même si beaucoup auraient dit le contraire. « Je ne suis pas non plus du genre à vouloir me venger. Ca ne ferait qu’empirer les choses et c’est là la dernière chose que je souhaite. Mais merci de la proposition. » La jeune femme secoua la tête, ce qui la renseigna sur l’état pitoyable de sa coiffure. Ce qui avait été à la base une natte déstructurée était désormais aussi organisée qu’un champ de bataille. Elle profita de la – longue – attente dans la file pour rassembler tous ses cheveux en un chignon rapide. L’esthétique n’était peut-être plus là mais elle avait perdu la sensation « nid d’oiseaux » sur son crâne.

Alors qu’elle achevait le dernier tour d’élastique, ses yeux glissèrent sur un élément perturbateur au sol. Elle fronça les sourcils en reconnaissant la forme caractéristique d’un pantalon – féminin à première vue – qui n’avait pas sa place au milieu des cadavres de bouteilles de bière et de gobelets. Fort heureusement, la propriétaire du vêtement était encore dans les parages ; le problème était qu’elle semblait plus disposée à aspirer les amygdales de son petit ami que de s’inquiéter du sort de ses habits. Le cas n’aurait pas été trop grave si tant est qu’il fut isolé, sauf que partout autour d’elle, Constance ne voyait plus que des couples dans des positions qui n’avaient rien de cathodiques. Les gémissements primaires prenaient le dessus sur la musique, le groupe continuait de jouer même si l’on sentait dans la voix du chanteur un trouble certain. « Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? » C.G. n’était pas une adepte des gros mots, cependant elle avait eu beau chercher, aucun autre terme n’avait été plus adéquat pour décrire la situation. Les bruits des sirènes au loin ne firent qu’accentuer son trouble – si la police débarquait et, par malchance, l’arrêtait pour consommation de drogue ?! – et elle s’agrippa à la manche d’Alexandre plus fermement qu’elle n’aurait voulu. Après tout, il était le mieux placé pour jouer le rôle de protecteur et elle sentait qu’à ses côtés, elle ne risquait pas grand-chose.

« J’ai changé d’avis, je n’ai pas si soif que ça. Si on allait plutôt boire un verre ailleurs ? » Cette fois, il n’était plus question de fuir Jeemie et Hayley – ils avaient momentanément disparu de son esprit –, elle voulait simplement s’en aller le plus loin possible avant que le festival ne dégénère davantage. Elle était déjà bien meurtrie psychologiquement, nul besoin de tenter le diable et de risquer une blessure physique. Ses doigts toujours accrochée à hauteur de l’épaule d’Alexandre, elle attendit qu’il prenne les choses en mains. Elle était trop pétrifiée pour prendre ne serait-ce qu’une initiative.

« Avec plaisir. » S’empressa-t-il de répondre lorsque Hayley lui proposa de partager sa délicieuse confiserie rose. Après s’être doucement raclé la gorge, il focalisa définitivement son regard sur sa seule, unique et véritable partenaire de la soirée. Constance, sur ses hauts talons perchée, pouvait bien se pavaner au bras de tel ou tel individu cela n’avait plus la moindre espèce d’importance. Pourtant elle se trouvait là, à seulement quelques mètres de lui, mais une force invisible empêchait tout contact aussi bien visuel que physique avec elle. Nul obstacle ne le séparait de son ex-dulcinée, toutefois ses yeux refusaient catégoriquement d’y voir clair un seul instant. Cette sensation était par ailleurs très étrange. C’était assez difficile à expliquer pour quelqu’un qui, jusque là, était persuadé d’avoir une vue parfaite et impeccable. Chaque œil se refusait à discerner distinctement le visage de la jeune femme. Plus les secondes s’égrenaient moins il percevait les détails de ses traits qu’il connaissait pourtant par cœur. A la manière d’un long plan – tenu par une caméra – qui s’éloignerait toujours plus juste avant le lancement du générique de fin, la silhouette de la brunette s’effaçait progressivement jusqu’à devenir un simple point dans un décor infini. Sa tête, son esprit, son corps et son cœur l’oubliaient doucement ; morceau par morceau. La bobine de la pellicule se rembobinait d’elle-même, bientôt la cassette de sa vie pourrait reprendre un nouveau démarrage. Un départ neuf. Sans ombre au tableau. Tout cela il le devait à une seule personne. Hayley, qu’il dut malgré lui bousculer dans un énième mouvement de foule. Ses pensées positives et négatives – main dans la main – sautillaient joyeusement de nuage en nuage sans jamais s’arrêter ; ne prêtant aucune attention aux différents pièges qui les entouraient. C’est d’ailleurs pour cette raison que Jeemie ne daigna même pas poser le regard sur le couple qui les avait heurtés quelques secondes plus tôt, par crainte d’avoir une mauvaise surprise lorsqu’il se retournerait de nouveau vers la jeune femme et remarquerait avec effroi qu’elle n’était plus là. Le risque était trop gros. S’il avait une seule seconde la malchance de se retrouver seul à cet instant précis, le monde entier menaçait de s’effondrer à ses pieds. L’espace d’un moment la totalité du processus de ce raisonnement lui effleura l’esprit et il dut admettre qu’il était complètement stone. Contre toute attente – et ce n’était pas dans ses habitudes – il décida qu’il n’en avait rien à faire. Tout ceci s’avérait même être plutôt agréable.

Le temps d’aider Hayley à finir sa barbe à papa, le ton du festival changea radicalement. Même si les deux jeunes gens – sur les visages desquels on pouvait décerner des sourires niais – demeuraient encore et toujours aveugles, les alentours devenaient de plus en plus critiques. Des gens avaient pris place ici et là pour régler des affaires charnelles qui de toute évidence ne pouvaient pas être remises à plus tard. Et si personne ne venait rapidement mettre le holà, nul doute que le nouveau duo qu’ils formaient à présent rejoindrait incessamment sou peu – étant donné la tournure des choses – les rangs des nombreux exhibitionnistes de la soirée. Si plus tôt la potion de ces agents mystérieux n’avait pas eu l’occasion de déployer tous ses effets les plus fous sur Knighton, à l’heure actuelle elle le démontrait d’une manière violente peut-être un peu trop expressive par ailleurs. La langue du photographe visitait une nouvelle fois les abysses de la bouche de son amie pour le moins consentante tandis que ses doigts se profilaient à la vitesse grand V à travers ses couches de vêtements supérieurs. Pour eux, il n’y avait plus aucun doute quant à la tessiture à suivre à la lettre. Tels d’excellents élèves, ils mettaient sagement en pratique les ordres donnés par les professeurs. Bêtes et disciplinés, voilà ce qu’ils étaient.

Les deux jeunes gens continuèrent à marcher vers le stand, Alexandre sentait bien le pas trainant de la jeune femme et chercha, discrètement, la raison pour laquelle elle agissait ainsi mais son regard ne se concentrait pas sur quelqu'un en particulier. Sa réponse, bien qu'elle ne lui dise parle pas explicitement de la situation l'éclaira sur certains points : elle se sentait coupable et il y avait de fortes chances pour que ça venue ici soit un essai pour oublier tout ça, se changer les idées, et Alex était bien placé pour ça. Cela risquait cependant de prendre un peu de temps, la nuit n'était pas encore finie...Alexandre haussa des épaules à son tour avec un petit sourire avant de lui répondre.

"Je comprends, j'imagine que ça ne doit pas être facile de se confier à quelqu'un qu'on connait à peine."

Il lui fit un clin d'oeil, bien décidé à mener sa nouvelle mission à terme. Ils étaient enfin arrivés à la fin de la queue mais il y avait quelque chose d'étrange dans l'air, les gens se comportaient bizarrement, s'embrassant à en perdre haleine, certains allant même plus loin, faisant fi d'être devant un large public, comme s'ils s'étaient enfermés dans leur bulle.

"Tu m'otes les mots de la bouche..." dit il en la regardant un bref instant, son regard bientôt attiré ailleurs, les attitudes de leurs petits camarades de plus en plus évocatrices. Il n'entendit même pas les sirénes au loin et ne reporta son attention sur Constance que lorsqu'il la sentit tirer sur son bras. Il fronça des sourcils et la regarda de nouveau, elle semblait avoir peur mais au vu de ce qu'il se passait autour d'eux il la comprenait. Quelques couples qui agissaient ainsi n'était pas vraiment une chose bizarre surtout passées certaines heures de la soirée mais là...ça semblait se propager à tous le monde, au même moment. Les personnes devant eux dans la file se mirent également dans l'ambiance love qui se propageait dans le public. Alexandre avait eu sa part d'expériences bizarres mais même là il s'avouait légérement dépassé. Il acquiesça à sa proposition de mettre les voiles, si les flics arrivaient jusqu'à cette partie du festival il tenait pas à se faire arrêter avec les exhibitionnistes, ou pour consommation de drogues, les pupilles dilatées de Constance laissaient peu de doute quand à sa consommation dans la soirée.

"Je pense que ça serait une bonne idée, j'ai l'impression qu'on est pas dans le ton de la fête..." dit il en prenant sa main dans la sienne, l'entrainant dans son sillage et évitant les couples qui avaient envahis une bonne partie de l'espace réservé au Musicfest. Même dehors il ne s'arrêta pas marcher avant plusieurs minutes et une bonne distance entre eux. Il se tourna vers CG et la regarda, elle n'avait pas l'air dans son assiette.

"Une préférence ?"

Henri échangea un regard anxieux avec sa collègue de travail. Ils étaient dans de sales draps. Certes, l’amour régnait en maître absolu en ces lieux mais ce n’était pas pour ce genre d’amour que le défunt roi de France avait signé. Et ce n’était pas réellement la conception de l’agence qui plus est. « Bon, il s’avère de plus en plus nécessaire qu’on fasse quelque chose avant … » Il entendit les sirènes et les cris à l’extérieur. Nouvel échange de regard anxieux. « Avant. » Ils se mirent tout de suite au travail et tentèrent de séparer les corps, du moins de les rhabiller le plus rapidement possible. Mais après tout, c’était aller contre leur nature, raison pour laquelle la plupart des couples nouvellement formés ou confirmés ne leur prêtaient guère d’attention préférant se lécher le visage mutuellement. Alors qu’il relevait une ravissante demoiselle blonde, il jeta un coup d’œil furtif à la ronde pour veiller sur ses petits protégés. Mais tout ce qu’il vit, c’était le nonchalant Robin qui observait la scène. Il lui lança un regard noir. « Ton aide ne serait pas superflue. Afin de les rendre plus coopératifs ? » Les agents de l’amour étaient incapable d’endiguer le flot de bons sentiments. Les seuls à pouvoir le faire étaient ceux de la discorde. « C’est pas mon problème, c’est le tien, Henri. » répliqua le hors la loi en levant les bras d’un air impuissant et le sourire aux lèvres.

Le dénommé Henri grommela et entreprit de rhabiller la blonde, de force s’il le fallait. Il jeta un nouveau coup d’œil aux environs et remarqua que Constante, la séduisante tentatrice de son Jeemie s’éloigner avec … oh mince, le Alexandre du patron. Il ne put s’empêcher de grimacer. Il n’était pas totalement au courant de l’ensemble des liens entre les deux individus mais il savait pertinement qu’Eros n’apprécierait sans doute pas. Dans le même temps, il n’apprécierait pas davantage que le jeune homme termine en prison. Henri se redressa et passa en sous marin lorsque les tentures de la tente se soulevèrent pour laisser passer une bonne dizaine de policiers. Il leva les mains par réflexe, la ravissante blonde retombant mollement sur ses fesses, avant de se rendre compte qu’ils ne pouvaient pas le voir. Ce n’était malheureusement pas le cas pour Marilyn. Elle n’était pas assez âgée pour se dissimuler aux yeux des mortels.

« Saperlipopette !! » s’exclama-t-il en se passant la main dans les cheveux, paniqué en voyant le déploiement des forces de l’ordre séparer brutalement les couples. Ces derniers hurlèrent comme si on leur arrachait le cœur encore palpitant de leur poitrine. Ce qui était vrai d’une certaine manière grâce à la drogue de Marie. « Quelques effets inconnus. Une drogue instable. Ne jamais confier quoi que ce soit à une femme. » murmura-t-il. Il ne pouvait plus rien faire désormais et il entendait le rire de Robin derrière lui. Le regard noir qu’il lui jeta ne fit qu’accentuer son amusement. Se faisant, il remarque que ses propres protégés se faisaient embarqués. Immédiatement, il laissa tomber tout le reste et se précipita auprès de ces derniers. Tout mais pas ça. Il se plaça derrière l’agent de police et tenta de lui insuffler un peu de compassion. Il sentit l’hésitation dans son corps et s’engouffra dans la brèche. Malheureusement pour lui, Robin avait décidé de le faire tourner en bourrique et l’autre agent qui l’accompagnait attrapa violemment Hayley, montrant le chemin à son collège. Henri poussa un grand soupir en levant les yeux au ciel, de manière dramatique. « C’est le plus complet des désastres. »

Bilan :

40 arrestations pour comportement indécent ; 10 pour rebellions ; 27 pour consommation de stupéfiants ;
Constance Gordon et Alexander Murphy s’en tirent sans trop de dommage ;
Hayley Finley et Jeemie Knighton passèrent la nuit au poste et eurent droit à une migraine cabarinée le lendemain, les souvenirs ne s’évaporèrent cependant pas ;
Retombées : organisateurs du Music Fest et le traiteur attaqué au pénal, faillite pour l’entreprise du traiteur, près d’une centaine de licenciement.
Discordia Corp. a engrangé environ 2,5 millions de dollars.

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