Oh, my reputation's kinda clouded with dirt [R.]

Constance avait passé toute sa vie sur le droit chemin. Elle n’était certes pas la dernière à aimer faire la fête et à boire un peu, toutefois elle n’avait jamais enfreint la barrière du légalement incorrect. Elle ne connaissait de la police que l’image que les journaux télévisés et les films voulaient bien montrer ; elle n’avait pas non plus souhaité en découvrir davantage, au contraire, les menottes n’étaient nullement l’un de ses fantasmes et se retrouver un jour derrière les barreaux était la chose la plus inconcevable qui était. Elle n’était pas une criminelle, elle n’en avait pas l’étoffe. Pourtant, alors qu’elle s’éloignait à vive allure du MusicFest, sa main serrée autour de celle d’Alexandre, elle avait l’impression de fuir les lieux du crime, d’être à deux doigts de se faire prendre la main dans le sac. Bien que personne ne semblât faire attention à eux tandis qu’ils se frayaient un chemin parmi la foule opaque, elle se sentait épier de tous les côtés, comme une souris sous les regards aiguisés d’oiseaux de proie. La marche rapide de son compagnon n’améliorait pas son état puisqu’elle se retrouvait obliger de trottiner à sa suite pour ne pas se faire distancer. Elle se sentait véritablement l’âme d’une fugitive, ce qui aurait dû l’effrayer au plus au point. Et pourtant, plus ils mettaient de distance entre le festival et eux, plus elle sentait une bouffée d’euphorie rendre son pas plus léger. Les rumeurs devaient être vraies : il y avait du bon à franchir les limites, à ne pas respecter les interdits et à assumer pleinement de s’écarter de la route de la moralité. Même si, dans son cas, elle n’avait pas grand-chose à se reprocher, un simple joint était loin de suffire pour prendre perpétuité et finir sa vie derrière les barreaux. Seulement, son éducation faite d’œillères ne l’avait pas franchement préparé à fuir devant la police, il était par conséquent logique qu’elle réagisse intensément à cette nouvelle donnée.

Alexandre, de son côté, avait l’air parfaitement détendu, comme habitué par la situation, quand il lui demanda où elle préférait se rendre pour poursuivre cette fin de journée. C.G. haussa les épaules en regardant autour d’elle, histoire de repérer un endroit familier. « Il n’y a pas grand-chose dans le coin, malheureusement. On peut toujours essayer l’Edgewater… » Sans attendre la réponse du jeune homme – qu’aurait-il pu ajouter, de toute façon ? – elle se remit en marche, sans avoir lâché sa main, pour avaler les dizaines de mètres qui les séparaient du bar. Ce ne fut qu’une fois arrivés devant l’établissement qu’elle instaura à nouveau une distance de sécurité entre leurs deux corps, se rappelant soudain qu’ils se connaissaient depuis à peine une heure. Le café était, dieu soit loué, quasiment désert. Le festival avait dû accaparer la majeure partie de sa clientèle et ces derniers n’étaient pas près de mettre les pieds dans un bar vu l’état dans lequel ils étaient tous. Tant mieux, Constance ne se sentait pas d’attaque à subir les babillages de piliers de comptoir, son esprit avait déjà subi assez de stimulations comme ça au cours des dernières heures. La jeune Gordon se laissa tomber de façon peu gracieuse sur l’une des chaises, fatiguée par leur course folle mais également un tantinet assommée par l’alcool qui retombait seulement maintenant. Néanmoins, c’est avec un sourire timide qu’elle releva la tête vers Alexandre, qui prenait place à son tour.

« Je suis navrée si j’ai gâché tes plans initiaux. Tu devais sans doute avoir prévu quelque chose de plus intéressant que tenir compagnie à une parfaite inconnue qui n’arrête pas de se plaindre… » La demoiselle grimaça en baissant les yeux, soudainement gênée parce qu’elle se rendait compte de la situation inconfortable dans laquelle Alexandre devait se trouver. Elle n’y avait pas pensé avant de le prononcer à voix haute mais il était vrai qu’ils ne devaient pas avoir beaucoup en commun, le pauvre allait bien vite se rendre compte qu’elle n’était vraiment pas son genre de fille. Si elle en avait un peu imposé au festival, dans la foule, sous le coup de la drogue, elle se savait sur le point de retoucher terre et redevenir la banale Constance, la jeune femme à qui il n’arrive jamais rien et qui refuse de prendre la moindre initiative. Celle dont la douceur n’était proportionnelle qu’au manque de confiance. Celle qui faisait tout un plat d’avoir échappé de peu à la police alors qu’elle n’avait rien à se reprocher… Oh oui, le pauvre Murphy n'était pas au bout de ses peines et elle l'excuserait volontiers s'il décidait à l'instant même de prendre ses jambes à son cou.

Alexandre acquiesça à sa réponse et la suivit, gardant sa main dans la sienne sans trop la serrer pour ne pas lui faire mal. Ils arrivèrent devant le café après leur courte marche et la jeune femme relacha sa main d'un coup, le surprenant sur le moment. Il jeta un coup d'oeil vers leurs mains maintenant séparées. Gentleman il lui ouvrit la porte et la laissa entrer la première, la suivant tout en jetant un coup d'oeil derrière eux. Le bruit des sirènes se faisaient toujours entendre mais étouffé par la distance, visiblement ils allaient rester là un petit moment. Entré dans le café Alexandre regarda autour d'eux, constatant qu'ils seraient tranquilles, il y avait peu de monde. Le faussaire hocha la tête en direction du propriétaire et alla s'installer à une petite table, face à Constance qui lui offrit un timide sourire.

"Hey..." dit il en secouant la tête, "...tu n'as pas à être navrée, qui sait si on ne s'était pas rencontrés j'aurais peut être fini en cellule avec le lot de joyeux fétards..." reprit il avec un petit sourire. Malgré tout Constance semblait se renfermer sur elle même, elle gardait son regard dirigé vers le sol. Alexandre s'apprétait à parler lorsque le propriétaire du café arriva à leurs tables pour prendre leurs commandes. Alex laissa la jeune femme commander en première avant de commander un café pour lui. L'homme les observa quelques secondes avant de partir préparer leurs boissons.

"Constance..." dit il doucement en prenant son menton entre deux doigts pour croiser son regard. Il le relacha, ne voulant pas trop géner la jeune femme.

"J'avais espéré rencontrer quelqu'un ce soir et écouter de la musique...bon la seconde partie je te l'accorde n'est pas tellement réussie mais pour la première...tu es là." dit il en la montrant d'un geste de la main. Elle semblait différente, plus attristée que lorsqu'ils s'étaient rencontrés au festival. Leurs commandes arrivèrent, Alexandre remercia le patron qui s'éloigna pour servir un homme au bar. Le faussaire prit une gorgée de son café et grimaça un peu à cause de l'amertume. Il prit une cuiller de sucre qu'il versa dans sa tasse tout en touillant avec lenteur, son attention de nouveau sur la jolie brunette.

"J'avoue fuir la police n'était pas dans mes plans originaux...", ça ce n'était pas totalement vrai, il était devenu spécialisé dans ce genre de trucs mais se vendre comme truand n'était pas la meilleure idée avec Constance, il doutait que cela l'impressionne comme cela le faisait parfois avec certes femmes, "...et j'imagine que ce n'est pas non plus dans tes habitudes."

Ca ce n'était pas trop difficile à imaginer, elle ne semblait pas du genre à se mettre dans les embrouilles, plutôt mauvais endroit, mauvaise place.

"Qu'est ce que tu fais dans la vie ?" demanda t'il après quelques minutes d'un silence qu'il avait laissé s'installer.